DEATH REPORT 06-06-06
par
Jérôme
FOISSAC
Sur le trajet DJIBOUTI-ISTRES, le chef de cabine me reporte le
malaise d’un passager (9h37 utc) (Malaise avec tétanisation et
arrêt cardiorespiratoire).
Ce n’est pas la première fois qu’un passager fait un malaise,
mais cette fois-ci, cela semblait sérieux.
Le passager était
tombé brutalement de son fauteuil alors qu’il discutait avec un
camarade. Une équipe de spécialistes de la santé ont
immédiatement pris le problème en compte.
Heureusement pour nous, nous comptions parmi nos passagers toute
une équipe de l’hôpital
LAVERAN de MARSEILLE : infirmier anesthésiste, infirmière
urgentiste, infirmier de bloc, infirmier réanimation, aide
soignante et manipulatrice radio.
Malheureusement, il n’y avait pas de médecin (seule personne
habilitée à déclarer un décès, ce qui nous aurait autorisé à
continuer notre vol);
Ces personnes ont entrepris une réanimation impressionnante, aux
dires des PNC présents à ce moment là, une réanimation lourde,
d’une heure environ (effectivement, des non médecins, n’ont pas
le droit d’arrêter un massage cardiaque commencé car ils n’ont
pas l’autorité pour déclarer une mort, bien, qu’à priori, le
passager était déjà mort…)
Sachant que le problème devenait très grave, le chef de cabine
nous alerta et nous décidons de nous dérouter.
ALEXANDRIE est à 25 mn et IRAKLION à 35 mn.
M’étant posé à ALEXANDRIE la semaine précédente, avec de gros
problèmes de logistique une fois au sol, un accueil militaire
plutôt virulent et procédurier, nous avons décidé de poursuivre
le déroutement sur IRAKLION, terrain bien connu lors des mes
nombreuses escales en Transall, très opérationnel, surtout en
période estivale.
L’A310 était piloté ce jour là par Patrick qui coupa dans les
virages pour aller au plus vite et effectuer une approche à vue.
Malheureusement pour nous, la coordination entre
le centre de contrôle d’ATHÈNES et celui d’IRAKLION a fait que
l’autorisation de descendre fut très tardive, et cela nous a
amené à 12 NM dans l’axe à 330 Kts…
A 5 NM , la réduction n’était plus possible pour un poser, et
nous nous sommes raccroché à notre « vieille expérience ». Nous
avons effectué un BREAK pour casser la vitesse et finalement
atterrir à IRAKLION (10h23 utc).
Nos infirmiers continuaient leur massage cardiaque, devant tous
les passagers (légionnaires), l’avion était full…
Arrivé au parking, une équipe médicale locale monte à bord et
prend le relais de la réanimation. Le décès est constaté par
l’équipe médicale GRECQUE à 11h15 utc.
Le corps est évacué à 11h20 utc et sera autopsié le lendemain.
Quel choc au sein de l’équipage.
Je décide de faire descendre les passagers en zone de transit
(ils ne savent pas encore que leur camarade est décédé).
Je commence à gérer le problème, entouré de l’équipage, l’équipe
médicale, l’assistance et le commandant d’unité du défunt.
Sur ce, je suis convoqué par la police locale pour une
déposition.
Le policier qui ne parlait que le GREC, me faisait sentir qu’il
était possible que je sois coupable, m’a fait souffler dans le
ballon et m’a piqué d’une bague de prélèvement sanguin.
Je commençais à me demander ce qui m’arrivait, étant persuadé
d’avoir fait de mon mieux et rien de mal (bien que tout se
bouscule dans la tête dans ces moments là).
L’interprète arrivée à ce moment là, ne savait pas où cela
allait me mener (le policier haussait le ton sur elle dès
qu’elle cherchait à savoir quelque chose).
A la question : « Avez vous vu le corps ? », j’ai répondu : «
oui, juste après l’atterrissage »
« Était-il mort ? »
« Je ne sais pas »
« Lui avez vous parlé ?»
« Non »
« Pourquoi ? Puisque vous ne saviez pas s’il était mort »
« Vous êtes le responsable dans votre avion »…
Enfin, tout un tas de questions non rassurantes, où le regard
des policiers en disaient long sur ma culpabilité…
Enfin, vers 12h30 utc, j’obtiens au téléphone le consul de
France en CRETE qui met fin à l’interrogatoire après une
conversation relativement durcie avec le policier.
Ce policier me fait signer le rapport qu’il a écrit en GREC (je
ne comprend rien) et me laisse partir.
Je passe ensuite devant les autorités aéroportuaires pour signer
le DEATH REPORT qui nous donnera l’autorisation de repartir.
Nous n’avons jamais obtenu de résultat officiel définitif de la
cause du décès.
Le passager aurait plongé la veille, aurait pris des substances
dopantes achetées chez les américains à DJIBOUTI, aurait été
empoisonné …Enfin, on ne saura jamais.
Je tiens à remercier tout l’équipage présent sur ce vol du 06
JUIN 2006 pour leur professionnalisme, leur dévouement, et leur
rigueur face à un tel événement.