Roissy - Charles-de-Gaulle, jeudi 9 juillet 2015. Dans
le cockpit de l'A340 estampillé «République française», la
tension monte. Les deux pilotes attendent le top départ.
Concentrés, ils finalisent la préparation du vol en cabine. Une
dernière check-list et les moteurs sont mis en marche. 14h30: le
monstre d'acier, qui appartient à la base aérienne 110 de Creil,
s'ébranle pour rejoindre la piste indiquée par la tour de
contrôle. Après un roulage de quelques minutes, moteurs lancés
au maximum, l'avion décolle. L'ultime répétition en vue du
défilé aérien du 14 Juillet peut commencer.
«Nous avons déjà effectué, le 23 juin, une répétition à
Chateaudun, mais là c'est un moment très spécial: nous réalisons
un passage au-dessus de Paris.» L'œil rivé sur les instruments
de bord, l'un des pilotes savoure ce moment exceptionnel. «Ça ne
dure que quelques secondes, mais c'est magique.» D'autant plus
magique que l'Airbus A340 n'est pas un appareil rompu à ce genre
d'exercice. «Il n'y a aucune différence avec sa version civile,
précise le copilote. Toutefois, c'est un appareil très
intelligent: il pourrait défiler uniquement sur pilote
automatique. Nous avons juste quelques ajustements à effectuer
et surtout à bien respecter le timing.»
À peine le décollage a-t-il eu lieu que déjà Paris est
à ses pieds. «Comme le fera l'ensemble des autres aéronefs, nous
allons exécuter des ronds, explique le commandant de bord, qui
veille à ce que tout se passe bien. Chaque box (groupe d'avions,
NDLR) a un espace aérien imparti. Au top, il suffit de rectifier
la trajectoire pour intégrer son ordre de passage. Ça se joue à
six secondes. La difficulté avec l'Airbus, c'est que sa
précision de navigation est de l'ordre de la minute. Il faut
être très vigilant.»
«Le jour J, l'avion transportera les hommes de la base.
C'est une façon de les remercier pour leur dévouement»
Le commandant de bord
À bord de l'avion, l'attente
d'autorisation de passage se fait ressentir alors que les
équipages patientent à des altitudes différentes. En réalisant
des «hippodromes» dans leur circuit d'attente, le pilote et son
copilote semblent impatients de concrétiser ce vol à «1100
pieds» (un peu plus que 320 mètres), NDLR, une manœuvre
singulière pour ce gros porteur.
Dans ce ballet bien orchestré depuis le sommet de l'Arc
de triomphe, une soixantaine d'avions et d'hélicoptères. Les
badauds ont pu ainsi voir passer la première partie du défilé
aérien composée d'avions de chasse et de transport. Parmi eux
les Rafale, stars du défilé aérien 2015, les Mirage ou encore
les avions étrangers de l'armée espagnole. Et bien sûr les Alpha
Jet de la Patrouille de France. Cette année encore, elle ouvre
le défilé et propose une figure inédite: elle survolera Paris en
formation «Croix de Lorraine».
«L'Etoile», poste de commandement situé au sommet de
l'Arc de Triomphe, donne le top départ. Progressivement,
l'Airbus A340 se rapproche des tours de la Défense. Déjà, la
tour Eiffel semble à portée de main. À seulement quelques
mètres, l'avion survole les Champs-Elysées, admiré par les
touristes qu'on devine sans peine. «Le jour J, l'avion
transportera les hommes de la base. C'est une façon de les
remercier pour leur dévouement, en leur offrant ce vol au-dessus
de Paris, dans un moment qui nous est réservé
exceptionnellement», explique le commandant de bord. Un moment
où la concentration est optimale pour seulement quelques
secondes de précision.
Deux heures se sont écoulées. Aucun incident à
signaler. L'Airbus A340 a déjà repris la direction de Roissy -
Charles-de-Gaulle, son port d'attache. A bord, tout le monde est
satisfait. «L'alignement sur la Défense était parfait: tout
s'est bien enchaîné. Ça sera aussi bien le 14!», se félicite le
commandant de bord. Dans le cockpit, le pilote règle les
derniers détails pour un atterrissage en douceur. «C'était mon
dernier. Une page se tourne: je vais maintenant m'occuper des
opérations stratégiques à Eindhoven.»
Par Patrick Cabannes : Le Figaro.fr, publié le
10/7/2015