Sachant que cet avion,
travaillant pour l’ensemble des forces armées, coûte cher à l’armée
de l’Air, son maintien aurait peut-être pu être poursuivi si le
budget de celle-ci n’avait pas été le seul à financer les missions
de cette plate-forme bien spéciale, mais n’y a t-il pas d’autres
pistes à explorer pour expliquer cet arrêt brutal et soudain, comme
par exemple, les difficultés de mise au point de certains systèmes ?
Les dés en sont jetés officiellement devant les hautes instances de
l’État, mais il est intéressant de noter que, lors de l’allocution
du général Wolsztynsi, le DC-8-721 «SARIGuE NG» se trouve déjà
depuis plus d’un mois sur la base aérienne-entrepôt de Châteaudun,
l’EE 51 Aubrac ayant été dissous le 15 septembre 2004. C’est le 17
septembre 2004 que le F-AFD quitte la base d’Évreux pour son ultime
vol vers Châteaudun, mettant ainsi un terme à l’utilisation de cette
plateforme de recueil de renseignements, trois ans seulement après
sa mise en service officielle, peut-être l’une des plus courtes
carrière d’un système d’armes au sein de l’armée de l’Air.
N’ayant pas trouvé d’acheteur, le DC-8-721 F-RAFD est démantelé sur
le site de Châteaudun par la société Europe-Aviation associée à la
société Bartin, entre le 15 novembre et le 22 décembre 2006.
Comme pour le «SARIGuE», le coût d’entretien des deux derniers DC-8
volant au sein de l’ET 03/60 Estérel auront raison de leur maintien
au sein de la flotte long-courriers de l’armée de l’Air. Après 36
ans de bons et loyaux services au sein de cette unité, le dernier
DC-8 à cocardes est retiré du service, le 24 novembre 2004.
Les deux DC-8-72 CF rescapés (F-RAFF et F-RAFG) trouvent un acheteur
en 2005 en la personne de la compagnie américaine Air Transport
International, les s/n 46013, ex F-RAFG et s/n 46130, ex F-RAFF
deviennent ainsi respectivement N721CX et N722CX.
Au cours d’une cérémonie militaire, le général Klein, commandant la
Force aérienne de projection, rappellera l’importance du rôle joué
par cet avion de légende au sein des Ailes Françaises.
Durant toutes ces années, les DC-8 de l’armée de l’Air (hors des
deux «SARIGuE») auront effectué 238 434 heures de vol à eux six,
faisant briller l’insigne de l’Estérel, « partout et tout le temps »
comme la devise de l’Escadron de Transport 03/60.
L’armée de l’Air fut en son temps le plus gros utilisateur de DC-8
militaires au monde et durant plus de 38 ans, ces élégants avions
portèrent les cocardes tricolores dans le monde entier. Il faudra
attendre juillet 2006, avec la prise en compte par l’armée de l’Air
du premier Airbus A-340, pour que la Force aérienne de projection
retrouve sa capacité «très long rayon d’action» (TLRA), vieille idée
datant, nous l’avons vu plus haut, de plus de dix-sept ans.
Au-delà de toutes ces années, si les DC-8 à cocardes s’en sont allés
sous d’autres cieux ou ont été ferraillés, seul le premier «SARIGuE»
aura un destin plus honorifique en étant conservé au Musée de l’Air
et de l’Espace, lui qui était resté si secret durant un quart de
siècle.
Seul
rescapé de la flotte des DC-8 militaires le SARIGuE (F-RAFE) sera
remis au MAE du Bourget en juillet 2001. Il est vu ici sur les
parkings du musée dans le milieu des années 2000 dans sa livrée
d'origine et il a encore fière allure, à ce moment-là. Aujourd'hui,
stocké dans la zone de Dugny, il présente un aspect des plus
tristes, peinture délavée et fuselage supérieur recouvert de
mousse... (Photo J-L Classens).
Dès la fin d’année 2003,
Bercy impose de faire des économies, notamment dans les budgets de
divers ministères, dont celui de la Défense. Le 20 octobre 2004, le
général Richard
Wolsztynsi, chef d’état-major de l’armée de l’Air, dévoile les
grandes lignes et présente le projet de loi de finances 2005 devant
la commission de la Défense nationale et des forces armées de
l’Assemblée Nationale. Outre la rationalisation des bases aériennes
avec un certain nombre de fermetures programmées à l’aube de 2010,
le maintien de la cohérence opérationnelle de l’armée de l’Air, le
renouvellement de ses matériels, l’acquisition d’avions de transport
à long rayon d’action, la recherche de financement pour le
remplacement de la flotte d’avions ravitailleurs, il est fait
mention du retrait de service anticipé de certains matériels comme
le DC-8 «SARIGuE», retrait quasi imposé du fait des coûts très
élevés liés à son entretien.
Le coût de maintien du matériel en condition opérationnelle peut
être jugé parfois excessif, surtout lorsqu’il résulte de situation
de quasi monopole de certains industriels. Ainsi, Air France
Industries a été amené à augmenter significativement le prix de ces
prestations de maintenance pour les C-135FR, mais aussi pour le seul
et unique DC-8 encore en service dans l’armée de l’Air, à savoir le
«SARIGuE». À des fins de précisions, le général Wolsztynski ajoutera
lors de son intervention que : «le coût d’entretien du DC-8 SARIGuE
a atteint le budget de fonctionnement de six bases aériennes, alors
que, dans le même temps, se profilait la perspective d’une
modernisation de cet appareil, qui aurait encore alourdi la facture.
Dans la mesure où d’autres moyens de renseignement électroniques
sont disponibles, la prise en compte des arguments opérationnels et
économiques a conduit au retrait du DC-8 SARIGuE».
En clair, cet avion entretenu par l’armée de l’Air se révèle être un
avion onéreux dont la mission interarmées ne lui est pas
indispensable pour l’accomplissement et la réussite de ses missions
actuelles.