Discours du Général René PERRET
Président de l’Association
nationale du Transport Aérien Militaire
en hommage au Lieutenant-colonel
Maurice JOULOU
En tant que représentant des membres de
l’Association nationale du Transport aérien Militaire, je tiens en préalable à
toute chose, à dire à la famille et aux proches de notre ami, le
Lieutenant-colonel Maurice JOULOU, combien nous partageons leur peine.
Au-delà de sa famille, c’est aussi à la grande famille des aviateurs que mes
propos s’adressent ce matin, à cette famille de l’aéronautique civile et
militaire que je vois ici, dignement représentée, à la mesure de la stature
professionnelle et de la personnalité humaine de celui dont le dernier départ
nous réunit aujourd’hui.
Cette famille de l’aéronautique élargie à municipalité de Saint-Witz dont il
faisait partie, une famille réunie pour dire un dernier adieu à l’un de ceux qui
assumèrent la difficile transition, entre l’époque de l’après-guerre marquée par
d’autres conflits et la guerre froide, et l’ère que nous vivons aujourd’hui.
Je connaissais Maurice
depuis de nombreuses années et c’est avec beaucoup d’émotion que je
voudrais en quelques mots retracer son parcours, un parcours de 47
ans dans l’aéronautique, 30 ans dans l’Armée de l’air et 17 ans dans
l’aéronautique civile.
Né le 21 juillet 1926 à Paris dans une famille très modeste, Maurice
a été dès son plus jeune âge, un enfant débordant d’énergie.
Il n’est donc pas étonnant de le voir s’engager dans la Résistance,
alors qu’il n’avait pas 18 ans et participer aux combats de la
libération de Paris en août 1944 pour faciliter l’arrivée des
premiers détachements de la 2ème Division Blindée.
Mais depuis très longtemps Maurice était animé par une idée fixe :
devenir pilote…
Il interrompt alors ses études à l’Ecole Bréguet et s’engage le 27
octobre 1944 dans l’Armée de l’air, au titre du bataillon de l’air
107, ici-même à Villacoublay.
Nommé au grade de Sergent, il débute sa carrière militaire à la
40ème Escadre de liaison de Villacoublay en qualité de vaguemestre.
Puis en 1947, alors qu’il a tout juste 21 ans, il est affecté en
Indochine au Groupement tactique nord sur la Base de Gia-Lam à
Hanoï, en qualité de contrôleur de piste, puis d’opérateur de tour
au contrôle aérien local.
Saisissant l’opportunité d’un recrutement pilote, il se porte
volontaire et est affecté en 1949 à l’Ecole de pilotage du personnel
navigant à Marrakech au Maroc.
Breveté pilote en 1951 à l’âge de 24 ans, c’est alors le début d’une
carrière de navigant particulièrement riche et diversifiée. Affecté
au Groupement de transport et de liaison aérienne (GTLA) 2/60
(appellation officielle du Groupe aérien d’entraînement et de
liaison « GAEL ») à Villacoublay, il fait mouvement quelques mois
plus tard sur Blida en Algérie, à l’Escadron outre-mer 86
« Hoggar ».
En 1954, il est à nouveau affecté en Indochine, à Tourane, au groupe
de bombardement 1/25 « Tunisie », en qualité de pilote ailier sur
B26 Invader. Au cours d’une mission, il est touché par la DCA
rebelle, et poursuit celle-ci dans des conditions particulièrement
difficiles Cela lui vaudra une citation à l’ordre de l’Aviation de
bombardement avec l’attribution de la Croix de guerre des Théâtres
d’opérations extérieures.
Puis après une brève affectation à nouveau au GTLA 2/60 à
Villacoublay, Maurice est muté à Oran en Algérie au Groupe de
bombardement 1/91 Gascogne puis au 2/91 Guyenne. Sa conduite
exemplaire lors de son séjour en Algérie lui vaudra deux citations
avec attribution de la Croix de la valeur militaire.
En 1958, il est définitivement de retour à Villacoublay au GTLA
2/60. Nommé au grade de Sous-lieutenant le 1er octobre 1960 et promu
Lieutenant en 1962, il est affecté au GTLA 1/60 (appellation
officielle du Groupement de liaisons aériennes ministérielles) en
qualité de pilote commandant d’avion sur DC6. A ce titre il effectue
plusieurs vols officiels. Cette affectation au GLAM va d’ailleurs
constituer une autre période marquante de sa vie, avec notamment la
mise en service du 1er DC8 de l’armée de l’air, le FRAFA.
Il s’agissait à l’époque de répondre à l’impérieuse mission de
transport de fret sensible nécessaire aux campagnes d’essais
nucléaires dans le Pacifique.
Après sa transformation sur DC8 au sein de la Compagnie UTA, Maurice
qui est Commandant de bord, fait partie des premiers équipages qui
ouvrent avec succès la ligne mythique Le Bourget - Pointe-à-Pitre -
Hao. Une véritable mission opérationnelle à partir de
Pointe-à-Pitre : plus de 12 heures de survol maritime de nuit, avec
la seule navigation possible à cette période, la navigation
astronomique, et une seule île après Panama, le terrain de
destination, Hao dans le Pacifique.
Puis, avec la montée en puissance de la flotte DC8, une unité
spécifique est créée le 1er mai 1968, l’Escadron de transport 3/60
« Esterel », avec comme mission, la mise en œuvre de l’ensemble des
DC8.
Maurice se retrouve alors tout naturellement affecté dans cette
unité. Il y reste un peu plus d’un an avant de rejoindre la Division
logistique de la DIRCEN (Direction des Centres d’expérimentations
nucléaires) où il est promu Commandant.
Il quitte l’Armée de l’air en 1974, après 30 ans de service, avec
une promotion au grade de Lieutenant-colonel qui interviendra un peu
plus tard en 1976.
Il est alors recruté par la Société UTA-Industries qui avait la
responsabilité du soutien technique des DC8, pour assurer les
liaisons avec l’Armée de l’air, le Commandement du Transport Aérien
Militaire (COTAM) et les équipages de l’Esterel qu’il connaissait
bien. Son travail consistait à surveiller la révision des avions,
les gros chantiers de modification, les aménagements présidentiels
pour les vols officiels. Il a aussi suivi les chantiers du DC8
Sarigue de guerre électronique et des AWACS.
Mais, au-delà de ce travail, Maurice a été l’artisan d’une relation
très forte entre l’industriel et le COTAM, et je dirai même d’un
attachement qui dépasse le cadre commercial formel et qui trouve des
racines bien plus profondes. Maurice a fait partie de ce groupe
d’hommes passionnés et conscients de l’importance de la mission des
DC8 et de l’évolution de cet avion.
Les commandants du COTAM et les directeurs d’UTA-Industries de
l’époque peuvent en témoigner ainsi que Pierre VELLAY, aujourd’hui
parmi nous, qui avait été chargé de réaliser l’opération de
remotorisation de la flotte DC8 du COTAM. A l’occasion de cette
opération qui fut un succès, Maurice a été avec eux l’artisan d’une
volonté partagée de mise en avant des capacités de notre pays à être
présent dans le monde avec succès.
Et en 1991, lorsque la limite d’âge vient mettre fin à sa carrière,
il ne peut être question pour lui de rester inactif. Soucieux de
continuer à servir, Maurice devient maire adjoint de sa ville,
Saint-Witz dans le Val d’Oise, qui est représentée aujourd’hui par
son maire, Monsieur Germain BUCHET, et par une partie du Conseil
municipal. Il occupe cette fonction avec dévouement pendant 18 ans
et assume par ailleurs de nombreuses responsabilités associatives
dans le monde civique et combattant.
Ainsi, Maurice aura-t-il servi son pays avec dévouement jusqu’à la
fin de sa vie.
Il a volé sur une vingtaine de types d’avions, du Junkers 52 au DC8,
an passant par le C47, le DC4, le DC6, le SO30P, le B26, totalisant
10 775 heures de vol et 307 missions de guerre.
Il a été l’un des artisans de l’efficacité de l’exploitation du DC8
pour une mission particulièrement importante, la mission de
dissuasion nucléaire. Et lorsqu’il prit sa retraite, il continua à
servir dans sa ville avec beaucoup de dévouement.
Outre la Croix de guerre et la Croix de la valeur militaire, Maurice
est titulaire de la Médaille militaire et de la Médaille de
l’aéronautique. Il est officier de l’Ordre National du Mérite et
Chevalier de la Légion d’honneur.
Un tel parcours et un tel palmarès, que même ses familiers étaient
loin de connaître entièrement, si grande était sa modestie,
devraient me permettre de me dispenser de toute autre appréciation.
Cependant, il me revient de témoigner de l’apport exceptionnel de
Maurice dans son parcours militaire et civil.
Il me revient de me faire l’interprète de tous ceux qui ont fait un
bout de chemin avec lui pour vous dire, chère Monique, ainsi qu’à
ses enfants Fabrice et Philippe, avec une pensée pour leur mère
décédée, et à vos enfants Morvan et Typhaine, et à toute votre
famille, que nous vous entourons de toute notre affection et que
vous pouvez être fiers de lui.
Maurice restera dans nos mémoires pour ce qu’il fut :
- un homme qui a servi notre pays avec dévouement, compétence et
abnégation,
- un homme volontaire et courageux,
- un homme aux grandes qualités humaines, un homme dont la
gentillesse et la générosité venaient du cœur,
Maurice, sur cette base aérienne de Villacoublay où tu t’es engagé
et où tu as quitté l’Armée de l’air, nous voulons te dire,
Merci pour ton exemple.
Merci pour toute l’amitié que tu nous as donnée.