Objet de la mission : Pont
aérien sur Port-au-Prince
Opération SEISME HAITI 2010.
MOBILISATION GENERALE POUR
SAUVER HAITI.
L’aide internationale doit secourir des dizaines de milliers de victimes à
Port-au-Prince, capitale ravagée par un séisme de magnitude 7.
Le bilan du tremblement de terre de Port-au-Prince risque d’être terrible.
Le Premier Ministre, Jean-Max Bellerive, redoute plus de 100.000 morts
(…).La France annonçait hier l’arrivée de 130 sapeurs-pompiers ou sauveteurs
français et de six chiens dans les 24 heures, suivis par un second
détachement de 65 hommes, puis par des équipes spécialisées dans la médecine
de catastrophe. Une centaine de militaires basés aux Antilles devaient
rejoindre Haïti dans la journée (…).
Le Figaro du 14 janvier 2010. J.L.N.
Jeudi 14 janvier
Je suis à l’escadron en train de gérer les
affaires courantes quand le Chef-Ops m’interpelle : - Tu es
dispo pour un départ sur Haïti ?
- ça part quand ?
- tu as un avion à 16H00 à Orly pour Fort de France, tu pars
avec Romain renforcer l’équipage de Barbara. Le chauffeur sera
chez toi à 12H30, soit dans 45 minutes…
Je récupère un peu de documentation, un téléphone et un ordre de
mission et me voilà sur la route, direction la maison pour
préparer rapidement une valise.
A 16H30, le Boeing 777 d’Air France décolle vers les Antilles.
Un vol sans histoire et 9H00 plus tard, le train principal
touche la piste de la Martinique.
Nous contactons l’équipage sur place. Ils sont encore à Pointe à
Pitre. Leurs blessés sont en cours de débarquement. Nous nous
verrons à l’hôtel.
Avec Romain, nous mangeons un bout et finalement, ne voyant
toujours pas arriver l’équipage, nous nous couchons.
Vendredi 15
janvier
A 3 heures du matin, Barbara et Olivier toquent à ma porte et me
briefent sur la mission que j’effectue demain sur Haïti.
Je quitte l’hôtel, avec Romain et le technicien de Sabena, à
09H30, direction l’aéroport. Le reste de l’équipage montera dans
une heure directement à l’avion. Nous passons aux opérations de
l’ETOM 00.58 « Antilles » pour nous présenter et décider des
modalités de prise en charge de notre avion et de son équipage
(cahier d’ordre, liste de l’équipage, numéros de téléphone, etc).
Aux Opérations Air France, nous récupérons les fiches terrains
de la République Dominicaine et de Porto Rico. Ce seront nos
terrains de recueil en cas de déroutement. Vu le nombre de
trafics au départ et à l’arrivée de Port-au-Prince « short
petrol », nous élargissons notre panel de terrains accessibles.
Nous décidons du carburant à emporter pour pouvoir effectuer la
rotation Fort de France – Port-au-Prince - Fort de France sans
avoir à refueller en Haïti.
JOURNEE DU 15
JANVIER 2010
17H50 : Nous demandons la mise en route à destination d’Haïti.
Le contrôle nous répond que l’espace aérien d’Haïti est fermé à
tout trafic et qu’ils ne peuvent nous autoriser à partir. Nous
lui confirmons que nous tentons quand même d’aller jusqu’à la
République Dominicaine et de gérer après directement avec le
contrôle d’Haïti.
18H09 : Roulage de Fort de France.
18H18 : Décollage. La durée de vol est d’environ 2H00. Nous
avons à bord 141 passagers, composés de deux équipes de
journalistes (France 2 et 3), d’un contingent de la Sécurité
Civile, d’un team de sauveteurs allemands et d’une équipe
d’urgentistes du SAMU. Ces derniers auront la charge de trier et
de faire acheminer à l’avion les blessés à évacuer. En fonction
de leurs lésions, nous nous poserons en Guadeloupe pour ventiler
les blessés entre les deux hôpitaux des Antilles françaises. Les
gens sont fatigués. Nous leur expliquons clairement l’enjeu et
les difficultés auxquelles nous sommes confrontées pour mener à
bien cette mission qui n’est pas sûre de réussir. Nous passons
la zone de contrôle de Porto Rico sans encombre. Celui de Santo
Domingo nous confirme que l’espace aérien haïtien est fermé et
qu’il veut que l’on se pose chez eux. Nous négocions de
poursuivre le vol jusqu’à la frontière haïtienne et de traiter
directement avec eux. Nous obtenons une clearance vers ETBOD, le
point d’entrée de l’espace aérien haïtien.
20H10 : Le contact est établi avec Port au Prince Control et
nous obtenons le droit d’entrer et de nous mettre en attente à
GANIV qui est le point d’attente sur l’axe de finale de la piste
10. Nous restons au niveau de vol 200, ceci pour garder une
consommation en carburant minimale.
20H17 : Nous tournons dans l’attente avec un A330, un C-17 et
deux C-130 US COST GUARD. Nous sommes numéro 7 à l’approche. Nos
passagers sont régulièrement informés de l’évolution de la
situation. Nous distinguons au milieu de la baie le porte-avions
nucléaire américain USS Carl Vinson. Le trafic est
essentiellement américain et clairement ils sont prioritaires à
l’atterrissage. Nous relançons régulièrement le contrôle qui
nous répond à chaque fois qu’il n’y a pas de place pour nous sur
le parking. A 21H17, nous entamons notre réserve de carburant
qui ne nous permet plus de rejoindre La Martinique, ce sera
maintenant obligatoirement un déroutement sur Santo Domingo pour
avitailler.
22H10 : Nous n’avons plus de réserve carburant. Un déroutement
sur Santo Domingo est décidé et nous demandons une clairance sur
ETBOD. Nos passagers sont informés et sont résignés.
02H09 : Décollage de Santo Domingo et nous mettons le cap sur
ETBOD.
02H40 : Nous revoici dans l’attente à GANIV. Il fait nuit et
nous tournons en compagnie d’autres appareils. Les phares sont
allumés et nous surveillons le TCAS (détecteur d’avion
conflictuel). Le contrôle n’a pas de radar et il nous espace en
fonction des arrivées. Il n’a aucune idée du temps d’attente et
nous précise qu’il n’y a toujours pas de place pour nous sur le
parking. Nous sommes numéros 7 à l’approche. Nous n’avons qu’une
heure d’attente possible avant de dégager sur la Martinique.
03H50 : Nous arrivons à notre carburant minimum. Il faut dégager
sur la Martinique.
05H30 (01H30 loc) : Atterrissage à Fort de France. Nos passagers
sont fatigués et déçus. Nous nous disons à demain. Ils nous
remercient pour l’accueil qui leur a été fait à notre bord et
ils ont grandement appréciés d’être régulièrement tenus informés
de l’évolution de la situation.
JOURNEE DU 16
JANVIER 2010
Je reprends l’alerte pour la prochaine rotation du 17 janvier
dans la nuit avec un repos minimum de 12H00.
Un renfort de Personnel de Cabine (PNC) est arrivée par un vol
civil en début de soirée, nous avons désormais deux équipages
A310 qui peuvent tourner H24.
Notre départ de l’hôtel est prévu à 23H00 (heure locale). Je
briefe mon nouvel équipage et nous partons nous coucher, il est
trois heures du matin (heure locale).
Tout au long de la journée, l’heure de décollage de Fort de
France sera modifiée. Les américains monopolisent la plateforme
de Port-au-Prince et donnent au compte-goutte les créneaux
d’atterrissages pour les autres nations. La France proteste
officiellement auprès des Etats-Unis pour cet état de fait. La
situation sur l’aéroport de Port-au-Prince a évolué dans la
mesure où maintenant des créneaux officiels ont été donnés avec
un numéro d’accord. Nous sommes optimistes sur le succès de la
prochaine rotation.
JOURNEE DU 17 JANVIER 2010
05H27 (01H27 locale) : Roulage Fort de France. Nous avons à
notre bord 127 passagers, sensiblement les mêmes qu’hier (s’est
rajouté un Préfet en mission spéciale). J’explique à nouveau à
mes passagers l’évolution de la situation, je leur précise qu’il
y a de forte chance que ce soir nous pourrons enfin les déposer
à Port-au-Prince. Le moral remonte. Certains sont partis de
métropole depuis plus de trois jours.
05H38 : Décollage.
07H10 : Contact avec Port au Prince Center qui nous autorise à
l’approche, nous sommes numéro 3. Nous descendons vers une
altitude plus basse pour consommer du carburant et viser une
masse à l’atterrissage de 124 tonnes. Nous passons ETBOD et nous
sommes maintenant numéro 1.
07H41 : Atterrissage à Port-au-Prince. Nous avons un créneau de
2H00 sur place. Le parking est bien éclairé, les placeurs
américains sont efficaces. Nous attendons près de 40 minutes une
échelle pour pouvoir débarquer nos passagers. Ils descendent
enfin. Nous leur souhaitons bon courage. Je demande au médecin
de me rendre compte dès qu’il aura une information sur le nombre
de rapatriés et de leur état. Il tente de rentrer en contact
avec son équipe à l’aide de son téléphone satellitaire.
10H22 : Décollage.
12H04 (08H04 loc) : Atterrissage Fort de France.
Nous arrivons à l’hôtel à 9H30 locale et nous croisons l’autre
équipage qui part pour sa rotation. Rapide échange de consignes
et au lit ! Nous sommes prévus pour une autre rotation cette
nuit.
JOURNEE DU 21 JANVIER 2010
19H00 (15H00 loc) : départ de l’hôtel.
22H10: Décollage. Nous avons à bord 135 passagers : Antenne
Chirurgicale Avancée (ACA), le Consul d’Haïti, une équipe du
SAMU chargée de la prise en compte des enfants (un pédiatre, une
infirmière et deux puéricultrices) des gendarmes et des pompiers
de la Sécurité Civile. Il est prévu au retour 33 enfants
orphelins qui seront rapatriés sur la France sur notre vol.
00H10 : Atterrissage à Port-au Prince. Nous organisons
l’embarquement pour le départ : nous ferons monter en premier
les 33 orphelins, ensuite nous chargerons les 3 RAPASAN (2
adultes assis et un enfant sur civière) et les 73 passagers
valides. Dès que la soute avant sera vide, elle pourra procéder
au chargement des quatre cercueils. Il ne nous faudra pas moins
de quatre heures pour faire l’escale. Les journalistes de France
2 et 3 filmeront l’embarquement des enfants.
04H05 : Roulage Port-au-Prince. Nous sommes maintenant le
vendredi 22.
04H20 : Décollage de Port-au-Prince.
06H00 : Atterrissage Fort de France.
06H05 : Arrivée au parking. Tout le monde est débarqué.
10H38 : Décollage Fort de France.
18H45 : Atterrissage à Roissy. Parking Terminal 3. Les enfants
sont remis à la Croix Rouge.
par Philippe Stanguennec