Après
d’épiques batailles, dont les intervenants étaient d’un niveau très
supérieur
à celui des
modestes navigants prévus pour être entrainés sur DC 8, ces derniers
furent affectés au GLAM, et firent voler le
FRAFA, un avion tout blanc, ce qui correspondait a la livrée
d’une autre brillante unité, le Maine. C’était au début de l’année
1966.
Les
navigants venant d’autres escadrons que le GLAM furent bien
accueillis même si on leur faisait discrètement sentir combien ils
devaient se considérer comme honorés d’appartenir au
Groupe le plus prestigieux du COTAM. En effet, accueillir à
bord de son avion, un ministre, qui fait la une des quotidiens, est
beaucoup plus valorisant que de transporter des morceaux de bombe,
fut-elle atomique ou à hydrogène.
Mais, après
quelques mois, nous transportâmes des passagers dont nombre d’entre
eux étaient célèbres et puis en été 1966, ce fut le Président de la
République, le Général de Gaulle qui fît le tour du monde en DC 8.
Du coup, une petite cabale se monta : il n’était pas normal
qu’un membre du GLAM ne vole que sur DC 8. Aussi quelques-uns
d’entre nous participèrent-ils aux missions habituelles du GLAM.
En 1968, un
second DC 8 s’annonçait, ce qui provoqua la création de l’ET 3/60
pour lequel nous proposâmes le nom d‘Esterel. De très nombreuses
unités de l’Armée de l’Air ont donné naissance à une association d
‘anciens. Une Assemblée générale de l’Esterel fut donc réunie pour
étudier cette possibilité. Tous semblaient unanimes et pourtant il y
eu un vote négatif. Étonnement scandalisé ! Maurice Joulou se leva
et nous expliqua son point de vue. Dans les pays démocratiques, le
vote unanime n’existe pas. Aussi minime soit-elle, il existe une
opposition, Elle est respectable et doit être respectée.
Or l’Esterel, le plus récent des escadrons du Transport, se
doit d’être démocratique. C’est pour cette raison, certes un peu
spécieuse,
que Maurice
avait pris la difficile et courageuse décision de voter contre. Nous
n’avions peut-être pas les larmes aux yeux, mais il nous parut
nécessaire d’inscrire cette honorable décision sur le compte rendu
de l’Assemblée.
Le nom
d’Esterel Club fut choisi pour nous distinguer des autres
associations. Une cotisation très modeste fut votée. En fait, nous
n’avions guère de problème financier. Une gestion intelligente
du Service Hôtellerie nous permettait quelques dépenses parfois
légèrement discutables. Et puis l’UTA sut être généreuse avec nous.
Nous avons pu faire des soirées assez grandioses, en particulier
dans des châteaux, au Musée de l’Air, au Cercle des Armées, avec des
invités de marque et de très nombreux participants.
Lorsque
nous étions à Villacoublay, les réunions de préparation avaient
toujours lieu, le soir, dans le bar de l’Esterel., plus pudiquement
appelé la salle de réunion.
Il nous était servi
un repas de qualité préparé par l’Hôtellerie et autant que je
puisse me le rappeler, assez bien arrosé. Souvent le ton montait et
les rires devaient s’entendre de loin. Un soir, Jean Boursaud, notre
leader mécanicien, nous dit avec un petit sanglot dans la voix :
« Il y a très longtemps que je viens à ces réunions. Je les trouve
très sympathiques mais je commence à me faire vieux et il est temps
que je laisse la place aux jeunes. » Bien sûr, comme il se doit,
nous nous récrions. Puis nous continuons la réunion. A un moment, le
ton s’élève. Boursaud s’écrie alors : « ça
change tout ! Si c’est le bordel, je reste ! » Et il est
resté, pour le plus grand plaisir de tous.
Le 21 mars
2016, il y a eu cinquante ans qu’un DC 8, le FRAFA, s’est posé pour
la première fois à Hao, la base avancée en Polynésie. Le 1er
mai 2018, l’Esterel fêtera ses cinquante ans. Un peu plus tard, ce
sera le tour d’Esterel Club.
Bien des choses ont changé : les équipages, les lieux de stationnement, le matériel aérien, les missions. Mais l’attachement de tous pour les avions, l’escadron, leurs collègues, est resté le même. L’existence d’Esterel Club a été l’un des éléments qui a permis de développer et de maintenir cette cohésion.