PREMIERES POUR UN SECOND
Esterel-Flash N° 77 (juin-décembre 1983) par Jean-Marie LAURAS
La date du 17 mai 1983 est à marquer
d’une pierre blanche au niveau du Transport aérien militaire
puisque, ce jour-là, le premier DC8 remotorisé du COTAM, le FRAFG, a
décollé de POINTE A PIRTE pour assurer la liaison vers la Polynésie.
Brièvement, on peut rappeler que cet
avion est sorti des chantiers U.T.A. en octobre 1982 ; après
quelques difficultés de mise en route par le C.E.V., il a commencé
ses grands voyages au bénéfice des Armées, tout d’abord vers
l’Afrique, puis vers les Antilles. Après 1.000 heures de bons et
loyaux services, et après avoir vu
arriver son petit frère le F RAFD, au cours d’une cérémonie
officielle le 9 mai, le jeune ancien a été programmé pour accomplir
la grande mission sur le Pacifique.
Pour ce grand évènement, l’équipage se devait
d’être à la hauteur et le chef du Transport aérien militaire
lui-même a commandé en vol cette première mission.
Reprenons le déroulement de ce vol exceptionnel.
04h30, ce 17 mai, tout le monde est sur
le pont à l’escale, et après un copieux petit déjeuner servi avec le
sourire par nos
charmantes hôtesses guadeloupéennes,
l’équipage se rend à l’aéroport du Raizet pour préparer le vol.
QUELQUES
CHIFFRES
ETAPE
POINTE A PITRE – POLYNESIE
Distance :
Ve statique : - 20 Kts
AVION |
DC8 62 |
DC8 72 |
GAIN |
POE |
65.6 |
68.6 (4) |
+ 3,0 T |
CHARGE OFFERTE |
11.1 (1) |
16.2 (3) |
+ 46% |
CHARGE TRANSPORTEE |
11.1 (1) |
15.9 |
+ 43% |
CARBURANT CONSOMME |
64.0 (2) |
61.5 |
- 4 % |
MASSE TRANSPORTEE CARBURANT CONSOMME |
0 ,1734 |
0,2585 |
49 % |
(1) Limitée par la contenance des réservoirs
(2) Théorique avec
11.1 tonnes
(3) Limitée par le poids maximum au décollage de
152 T
(4) Avec lot de bord normal et APU
ETAPE
POLYNESIE – POINTE A PITRE
Distance : 5163 Nm
Ve statistique : + 8 kts
AVION |
DC8 62 |
DC8 72 |
GAIN |
CHARGE OFFERTE (T) |
14.2 T |
19.5 T |
37 % |
CHARGE TRANSPORTEE |
11.9 T |
11.9 T |
37 % |
CARBURANT CONSOMME |
62.4 T (2) |
54.2 T |
13.1 % |
EQUIPAGE :
CDB
GENERAL CORNAVIN
PIL
LIEUTENANT COLONEL LAURAS
PIL
COMMANDANT LABARTHE
NAV
CAPITAINE KOTCHOUNIAN
MEC
ADJUDANT CHEF BULTEL
CC
ADJUDANT HUMBERT
Le COTAM menant à tout, le navigateur, un habitué
de cette plateforme, se transforme rapidement en cambrioleur car,
tout à fait « exceptionnellement », l’escale d’Air France brille par
son absence. Les portes du bureau opérations doivent être quelque
peu malmenées pour enlever sur le télex le plan de vol opérations
demandé la veille à Paris.
Plan de vol posé, météo obtenue malgré
tout, l’avion absorbe son carburant et, oh surprise, pour la
première fois, on ne fait pas les pleins complets : 68 tonnes, qui
nous suffiront cependant pour rejoindre notre destination à près de
Les centrales à inertie absorbent les points de
virage, la check-list se termine.
Les éléments du décollage donnent l
-
Masse avion : 152 tonnes
-
Charge transportée : 15,9 tonnes
-
Carburant décollage : 67,5 tonnes.
Pour la première fois, un DC8 va décoller de
Pointe à Pitre vers la Polynésie à son poids maximum structural avec
près de 16 tonnes de charge.
Le
FRAFG en vol
L’équipage, pour lui, recale un peu les montres.
Voyons : de TU -4 à TU -9. Si j’ai décollé ce matin à 07H20 de
Pointe à Pitre, il est maintenant… Le petit déjeuner étant 14 heures
derrière, les additions deviennent difficiles, mais le résultat est
là : il est bien 14H00 ici.
Vite ! Quelques photos souvenirs pour raconter
l’histoire aux petits enfants dans quelques années. Une collation
bien méritée est prise avant de décoller pour l’île mère et arriver
avant la tombée de la nuit.
Voilà une journée bien remplie.
Le diner est vite expédié pour gagner la
chambre car, demain, à la même heure, il faudra repartir vers la
case départ et, 08H00 après, vers Paris. Regardons la montre une
dernière fois pour être sûre de ne pas se tromper : il est 20H30
ici, soit en TU … + - X = ….. Cela donne l’âge du capitaine, mais
sauf erreur de ma part, ça fait bien 21 heures que nous sommes
debout. La journée repasse rapidement dans la mémoire : ce DC8 72
est un bien bel avion, ses nouveaux moteurs sur cette étape nous ont
permis d’emporter une charge supérieure de 50% tout
en économisant encore 2,5 tonnes de
carburant, mais après 1.000 heures d’utilisation, il semble déjà
devenu plus gourmand et nous a croqué 1,3 T de réserve de route sur
cette étape. Déjà l’imagination travaille sur les fiches qu’il va
falloir écrire au retour et les discussions qui vont avoir lieu avec
les techniciens de CFMI (*)…
« Carpe Diem ». Laissons venir le marchand de
sable. Demain, il fera jour et le CFM 56 retrouvera peut être ses
performances d’origine…
On peut toujours
rêver, surtout en Polynésie, après une
telle journée.
Pour cette fois, l’informatique ne trahira pas les
opérateurs et les résultats confirmeront bien que le vol est
possible et que les réserves de route sont presque normales.
L’orthodromie vérifiée, les points de montée calculés, il ne reste
plus qu’à serrer au plus près la tenue des éléments pour optimiser
les performances de l’avion. Les Amériques sont traversées à leur
jointure et, après de savants calculs de point de non retour, en 4
moteurs puis en 3 moteurs, de point équitemps 4 moteurs, 3 moteurs
au niveau, dépressurisé, sur Panama, Acapulco, Guayaquil, nous
pouvons profiter de quelques répits et savourer les repas préparés à
Pointe à Pitre par l’escale, servis en plus de main de maître par
notre chef de cabine. La livrée n’est pas celle du Roi Soleil mais
l’habit de lumière COTAM permet aussi un service trois étoiles pour
le chef de notre maison et son équipage.
Les niveaux sont grignotés régulièrement sur
l’Océan Pacifique après le 370 et 390, arrive le 410 deux heures
avant de descendre vers les atolls ensoleillés où nous attend une
piste raccourcie par les derniers évènements.
La percée et l’atterrissage à une masse de 92
tonnes, après 12 heures de vol, se passent sans problème, en
appréciant au passage les reverses de notre nouveau moteur.
La population militaire de la base ne semble pas
surprise de voir ce nouvel avion, déjà blasée avant l’évènement :
pour elle, il ne s’agit que du « COTAM » habituel, à l’exception
près qu’il transporte 50% de plus que d’habitude.