La modernisation des
systèmes d’armes, l’entrée de l’électronique dans la « guerre
moderne » amènent l’état-major des Armées à réfléchir sur la
définition d’un système de détection à long rayon d’action pour
répondre aux besoins d’interception de renseignement d’origine
électromagnétique émis par les radars et les radios.
En étudiant les profils de ces missions bien particulières sur
l’ensemble du globe par-dessus les frontières dans le cadre de la
circulation aérienne générale en temps de paix, une telle
plate-forme ne pouvait être qu’un dérivé d’avion de ligne pouvant
opérer loin de sa base avec un rayon d’action suffisant pour
effectuer des vols relativement longs sans ravitaillement.
L’armée de l’Air, utilisant déjà des appareils répondant à ces
critères, propose le Douglas DC-8 comme base de développement de
nouveaux systèmes de détection et de recueil d’information
embarqués. Ce quatrième DC-8, l’ancien DC-8-33 c/n 45570 F-BIUZ, est
une nouvelle fois acheté auprès d’UTA par le marché 73.71138 du 17
décembre 1973.
C’est encore auprès d’UTA que l’armée de l’Air trouve l’industriel
qui prend en charge la coordination de la modification de l’avion
commercial en avion pouvant embarquer les nombreux équipements
dédiés aux futures missions de l’appareil.
Afin de faire de cet appareil une plate-forme de renseignements, il
faut effectuer d’importantes modifications, faisant toutes partie
d’un programme très confidentiel dont bien des détails ne seront
révélés qu’une fois l’appareil retiré définitivement du service
actif de l’armée de l’Air, c’est-à-dire en… 2001.
Les missions de cet avion collecteur de renseignements SIGINT
(Signal Intelligence) se divisent en deux familles bien distinctes :
la première, ELINT (Electronic Intelligence), est destinée au
recueil et à la localisation des émissions radar et la seconde,
COMINT (Communication Intelligence), est axée sur le renseignement
et l’écoute des communications radio.
Ce chantier très important, réalisé dans un hangar d’UTA au Bourget,
dure un peu plus de trois ans, tout ceci dans la plus grande
discrétion. L’installation du très long radôme ventral en composite
de plus de 10 mètres de long positionné sous le fuselage et de
ballonnets fixés en extrémités de voilure nécessite de multiples
calculs, discussions et validations de la part des ingénieurs de
chez Douglas, mais tout ce travail d’engineering sera grandement
facilité grâce aux liens étroits qu’entretient le constructeur
californien avec la société UTA Industries
Toutes les modifications et transformations de ce DC-8 spécial sont
suivies, coordonnées par la DGA, le SPAé, le
STAé, l’ONERA mais aussi l’armée de l’Air, Thomson CSF et le CEV,
qui lui attribue de ce fait l’indicatif F-ZARK à la fin de l’année
1973. Plusieurs années sont nécessaires pour parfaire la mise au
point des systèmes avant que l’appareil ne soit pris réellement en
compte par l’armée de l’Air, le 15 juillet 1976, puis déclaré
opérationnel le 1er juin 1977.
L’utilisation très spéciale de cet appareil impose la création de
l’Escadron électronique 51 Aubrac et son installation sur la base de
Brétigny le 1er avril 1976, et ce, par décision et instruction
ministérielle 8012/DEF/EMAA.1/ORG/ CD du 19 janvier 1976.
Le F-RAFE « SARIGuE
» photographié en escale à Djibouti dans les années
soixante-dix. Il se distingue par de nombreuses excroissances et
antennes, ainsi que par ses ballonnets fixés aux saumons d’aile.
Seul rescapé des DC-8 militaires, il est remis au Musée de l’Air
en 2001 et attend depuis sa rénovation. (Photo J-C. Mermet)
Prise sous un angle
peu habituel, cette photo du F-RAFE « SARIGuE » met en évidence
les carénages installés en bout d'ailes, ainsi que celui situé
sous le fuselage avant, renfermant les appareillages de
contremesures électroniques.
Son existence est
connue, mais peu de personnes peuvent l’approcher en dehors des
personnels affectés à sa mise en ligne à Evreux ou son entretien
lors de ses passages au Bourget dans les hangars d’UTA. Il faut
attendre le 2 février 1995 sur la base d’Orléans, pour que cet
appareil unique fasse pour la première fois devant la presse une
présentation officielle et publique, mais principalement vu de
l’extérieur, il n’est pas question d’approcher de trop près la
machine et beaucoup de questions restent à ce jour sans réponses.
Au sein de l’Aubrac, durant les très nombreuses années de son
utilisation par l’armée de l’Air, cet avion œuvre à proximité des
zones sensibles, mais il est aussi utilisé opérationnellement lors
de la guerre du Golfe ou du conflit des Balkans.
L’EE.51 Aubrac stationne
sur la BA 217 de Brétigny dès sa création jusqu’au mois de décembre
1977, et plus précisément jusqu’au 12 décembre 1977, date à laquelle
l’escadron se déplace vers la BA 105 d’Evreux, emmenant avec lui le
F-RAFE (indicatif armée de l’Air), seul avion composant la flotte de
cette unité à savoir le DC-8-33 « SARIGuE » (Système Aéroporté de
Recueil des Informations de GUerre Électronique).
L’équipage complet est constitué d’environ 20 personnes : 2 pilotes,
1 ingénieur de vol et de 15 à 16 opérateurs système. Cet appareil va
se faire plus que discret durant sa longue carrière empruntant les
routes et couloirs aériens comme tout avion de ligne.
L’ensemble des opérateurs système est issu et appartient à
l’Escadrille électronique de recueil et d’exploitation
01.051 qui regroupe les spécialistes, officiers et sous-officiers de
la Force aérienne de combat. Tous ces exploitants du renseignement,
intercepteurs techniques et intercepteurs traducteurs de langues,
ont reçu une formation professionnelle de haut niveau avant d’être
affectés dans cette unité opérationnelle de guerre électronique.