VOL D’ESSAI A MONTREAL
En juillet 1967,
le Président de
Le DC8 F.R.A.F.A. était sur place, attendant de transporter le
Président et sa suite à Montréal et à Ottawa, puis de les ramener en
France. Bien qu’éloigné de la plupart des rencontres mondaines et
des événements officiels, l’équipage se doit - et il le fait - de se
tenir au courant du déroulement de la visite. Ainsi, nous apprîmes
rapidement qu’une phrase importante du discours du Général de
Gaulle: “ Vive le Québec libre !” avait suscité une attention toute
particulière de tous les témoins. Elle avait également été très
fortement appréciée par nos « cousins » dont une délégation tint à
nous le faire savoir au cours d’une réception tenue à bord du
Colbert.
Cette phrase provoqua également un certain émoi parmi les
organisateurs du voyage qui imaginèrent rapidement plusieurs
hypothèses comprises entre deux limites : l’exécution intégrale du
programme initialement fixé et le retour immédiat vers Paris. Bien
entendu, l’équipage, sous l’autorité permanente du Commandant du
G.L.A.M., se tenait prêt à faire face à chacune d’entre elles. Nous
partîmes tout de même pour Montréal où se tenait une grande Foire
Internationale. Il nous fut même possible de visiter celle-ci, après
avoir pris la précaution de laisser l’un de nous à l’hôtel, tous
bagages bouclés, et en lui téléphonant toutes les heures.
A 2 heures du matin, dans la nuit du 25 au 26 juillet, nous fûmes
réveillés par un appel téléphonique du Commandant qui demanda aux
trois officiers de l’équipage, deux pilotes et un navigateur, de le
rejoindre rapidement, ce qui fût fait. L’esprit pas encore très
clair, nous l’entendîmes annoncer que notre avion était
vraisemblablement piégé et nous inviter à lui proposer des solutions
constructives pour sortir de ce mauvais pas. Les cerveaux se mirent
à fonctionner, lentement sans doute, et notre production resta
pratiquement au niveau zéro, mise à part la solution banale et
évidente qui consistait à effectuer une inspection pré-vol très
fouillée avec la participation active des nombreux spécialistes de
la sécurité qui accompagnent le Président dans ses voyages. Notre
Commandant nous renvoya vivement à la case départ en précisant qu’un
tel déploiement d’activité autour de l’avion constituerait une
injure grave à l’égard des autorités du pays d’accueil, lequel est
responsable de la sécurité de ses hôtes de marque.
Notre
productivité intellectuelle collective frôlait toujours le zéro
absolu, l’heure particulière devait en être la cause. Quand une
analyse plus fine de la situation me conduisit personnellement à
penser que, l’heure du prochain décollage et la destination du vol
n’étant pas encore fixées, l’avion ne pouvait être piégé à l’aide
d’un dispositif classique, couplé à une simple horloge, et préréglé
à une heure précise. Le déclenchement de la “bombe” ne pouvait donc
être lié qu’à la diminution de la pression, donc à l’altitude.
Savoir si l’avion était ou non piégé devenait dès lors très simple :
effectuer un vol d’essai à
Ou bien l’avion se reposait sans encombre, ou bien il explosait en
vol : dans les deux cas, le Président serait sauvé.
Personne n’ayant trouvé la moindre idée meilleure que la mienne,
celle-ci, d’une incontestable logique bien qu’un peu farfelue,
séduisit notre Chef qui l’adopta sans trop barguigner, à
l’étonnement de mes deux camarades qui me regardaient en
écarquillant démesurément les yeux. Naturellement, il proposa de
venir avec nous, mais nous sûmes le persuader que si l’avion
explosait en vol, il faudrait bien que quelqu’un aille informer nos
veuves des raisons de leur nouvel état et que personne, à part lui,
ne connaissant la raison de ce vol particulier, il était seul en
mesure d’effectuer cette très délicate mission. Il accepta
finalement, bien qu’avec une certaine réticence, notre suggestion.
Le 26 juillet, vers 10 heures, après une P.P.V. ultra-minutieuse, le
F.R.A.F.A. décolla pour un vol dit “d’essai” dont les
caractéristiques surprirent un peu les contrôleurs aériens locaux.
Sur notre demande, ceux-ci nous octroyèrent un “haricot” au-dessus
d’une zone à faible densité de population, au niveau 400, entre les
“radials” 320 et 040 et les arcs 20 et 30 nm du VOR/DME de Montréal.
Il faisait très beau et les virages se succédaient dans une ambiance
très calme, voire fastidieuse. Nous attendions dans la plus grande
sérénité. Quoi ? Je ne sais plus vraiment.
La durée du vol, peu passionnant, fût finalement, d’un commun
accord, un peu réduite. Tous les membres de cet audacieux équipage
sont depuis longtemps à la retraite et ils vont tous très bien,
merci.